Avez-vous déjà été tétanisés de joie ?
Habituellement, c’est la peur qui tétanise… mais la joie, qui est une dilatation du cœur, peut aussi nous figer dans l’émerveillement.
S’il ne vous est pas encore arrivé d’être tétanisés de joie, soyez attentifs à l’évangile de ce dimanche : les onze apôtres et les deux disciples d’Emmaüs ont été comme paralysés, le soir de Pâques, quand Jésus lui-même fut présent au milieu d’eux. Bien qu’il les ait rassurés de sa parole tout en leur montrant ses mains et ses pieds, dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement.
Déjà quand les deux disciples, partis vers Emmaüs et revenus à Jérusalem en hâte, quand ces deux disciples se mirent à raconter ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain, les apôtres avaient été saisis par l’espérance… tout en se disant que cela était incroyable qu’un mort soit désormais vivant…
et quand eux-mêmes font l’expérience de la présence du Ressuscité, ils sont saisis de frayeur et de crainte. Ils croient voir un esprit.
En effet, la vue, le sens de la vue, peut nous jouer des tours sous la forme de mirage ou par notre imagination qui croit voir quelque chose.
De même, il existe des hallucinations auditives…
Quand nous doutons des informations transmises par la vue, par l’imagination ou par l’ouïe, le bon sens nous pousse à nous réfugier dans le toucher. « Pince-moi, je rêve ! »
Dans leur joie, les disciples n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement.
L’expérience de la rencontre avec Jésus ressuscité doit donc se prolonger.
Jésus le sait très bien ; c’est pourquoi, il va au-delà du fait de parler ou de montrer ses mains et ses pieds : il se laisse toucher et il demande à manger.
Ce compagnonnage – au sens propre du terme, c’est-à-dire l’action de manger ensemble – nous indique que Jésus ressuscité accompagne encore ses disciples sur le chemin de la croissance spirituelle. Jésus veut encore passer du temps avec ses disciples pour que l’enseignement donné au cours des trois années de la vie publique puisse être relu, approfondi, compris… à la lumière de sa Résurrection.
Jésus fait donc appel à la mémoire de ses amis : rappelez-vous : Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : « la Pâque est accomplie : ma souffrance, ma mort et ma résurrection le troisième jour vous apportent le salut et la vie, la conversion et le pardon des péchés. »
Il n’y a plus de doute. La question posée jadis par le peuple de Dieu n’a plus lieu d’être :
« Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? » Ex 17, 7
Mais oui ! c’est sûr ! comme le dit Saint Paul, « le Seigneur est au milieu de nous, le Christ est parmi nous, l’espérance de la gloire. » Col 1, 27
Parce qu’il n’y a plus de doute, Jésus peut envoyer ses disciples en mission : À vous d’en être les témoins.
Face à cet évangile de progression, comment pouvons-nous nous situer ?
Chacun de nous a besoin d’être accueilli et soutenu dans sa progression. Tous ensemble, dans cette paroisse, nous avons besoin d’être compris et stimulés par Jésus. Il agit envers nous avec délicatesse et pédagogie. Il accepte que nous soyons lents à croire. Mais il met devant nos yeux la merveille de sa présence et de nombreux signes de son action.
Chacun de nous dans cette assemblée ce matin peut dire, avec plus ou moins de force : « je crois en Jésus. Je suis son disciple. » Et quand nous levons les yeux, nous pouvons être émerveillés de la présence des familles, des enfants, des jeunes, des personnes de tous âges et de toutes conditions. Nous sommes reconnaissants d’avoir une paroisse avec des prêtres, un diacre et des séminaristes en nombre. Nous sommes heureux de voir des personnes nouvelles rejoindre notre communauté, des adultes recevoir le baptême. Tous et chacun de nous dans cette assemblée ce matin pouvons faire l’expérience de la présence de Jésus. Nous ne serions pas là à revenir ici, de dimanche en dimanche, si Jésus ne venait pas vraiment à notre rencontre.
Mais ne sommes-nous pas, comme les disciples, tétanisés de joie ? Dans notre joie, osons-nous y croire ? Osons-nous croire vraiment à l’action de « Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. »1 Tim 2, 4 ?
Ce matin, je vous invite à vivre l’eucharistie comme une action de grâce… mais aussi comme le lieu et le moment où Jésus demeure avec nous en se faisant notre compagnon. Bien plus, Il est Lui-même le Pain de Vie qui se donne en nourriture pour que nous ayons la vie. Au cours de cette messe, Jésus nous donne de relire son enseignement, il nous aide à l’approfondir, à l’assimiler. Il fait aussi appel à notre mémoire : rappelez-vous tout ce que j’ai déjà fait pour vous ; ma Pâque s’accomplit dans vos vies ; ma souffrance, ma mort et ma résurrection vous apportent le salut et la vie ; vous pouvez annoncer que la conversion et le pardon des péchés s’accomplissent.
A vous d’en être les témoins.
A vous d’en être les témoins. On pourrait traduire : A vous d’en être les acteurs… à vous de continuer mon œuvre…
A nous de continuer l’œuvre de Jésus, comme Jésus : par la Parole et par l’action.
Proclame les œuvres que Dieu a fait pour toi. « Rentre à la maison, auprès des tiens, annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi, dans sa miséricorde. » Mc 5, 19
Et par l’action : « petits enfants, » nous dit St Jean, « aimons par des actes et en vérité. » 1 Jn 3, 18 car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Jn 15, 13
A nous d’en être les témoins ! Jésus nous invite à sortir de notre zone de confort, ce confort qui consiste à prendre soin de son âme sans trop s’inquiéter du salut des autres.
A nous d’en être les témoins ! Jésus nous appelle à « prendre notre part aux souffrances de l’annonce de l’Evangile. » (2 Tim 1, 8)
A nous d’en être les témoins ! « L’amour du Christ nous saisit », l’amour du Christ nous embrase, nous pousse « quand nous pensons … que le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. » 2 Cor 5, 14 - 15
Frères et sœurs, notre façon de vivre en chrétiens ne peut pas se limiter à une pieuse velléité. La velléité est une volonté de principe : en général, elle n’est pas suivie d’effet parce que l’intention n’aboutit pas sur une décision claire et ferme.
Alors que pouvons-nous faire qui soit à notre portée ? Accueillir.
Avec le conseil pastoral comme avec beaucoup d’entre vous, nous avons évoqué l’accueil dans notre paroisse. Il est à la portée de tous de regarder à sa droite et à sa gauche au début ou à la fin de la messe (parce que pendant la messe, vous ne regardez que Jésus… on est bien d’accord !)
Si votre prochain vous est inconnu et si vous repérez que c’est un nouveau visage, il est à la portée de tous de faire sa connaissance, de lui demander quels sont ses besoins matériels et spirituels, si il ou elle est seul(e)… et de le présenter à deux ou trois autres paroissiens…
Je salue donc ce matin Christophe, nouvellement arrivé sur Orange, Christophe à qui une paroissienne a fait exactement ce que je viens de décrire.
Accueillir et accompagner.
en plus de ceux qui le font déjà, qui d’entre vous peut se rendre disponible pour accompagner, sous la forme du parrainage, des recommençants, des fiancés qui demandent le mariage, des parents qui attendent un enfant et le présentent au baptême. Accompagner, encourager… en témoignant, grâce à l’expérience spirituelle que nous avons, que Jésus est présent et agissant dans nos vies respectives…
Sur le chemin de la vie chrétienne, nous avons besoin les uns des autres… au sein de la famille comme au sein de cette autre famille qu’est notre paroisse…
Accueillir, accompagner et soutenir dans la prière et le service.
Nous avons l’adoration continue… l’engagement dans la prière porte du fruit, prière d’adoration et d’intercession…
Beaucoup d’entre vous sont déjà au service des pauvres et des malades…
mais il y a aussi tant de personnes qui attendent d’être visitées chez elles et celles qui ont besoin d’être aidées pour accéder à cette église car elles ont des difficultés à se déplacer…
Je pense ici à Bernard qui me disait hier son désir de venir à l’église malgré son handicap…
Il y a tant et tant de services concrets à faire…
Si tous et chacun d’entre nous prenait l’engagement, même un petit engagement, d’être un membre actif de notre paroisse, en vérité, en vérité, je vous le dis : il y aura bientôt dans cette église 3 ou 4 messes pleines de frères et sœurs qui proclament, comme nous ce matin : « Jésus est Seigneur, à la gloire de Dieu notre Père. »
Frères et sœurs, au cours cette messe, veillons à ce que notre regard sur notre paroisse ne soit pas celui de l’autosatisfaction et de la vaine gloire mais vraiment celui de la gratitude et de la reconnaissance vis-à-vis de Dieu notre Père, un regard qui s’ouvre à l’évangélisation.
Et au fait…, dans l’Esprit Saint, avez-vous déjà dansé de joie ?
P. Michel BERGER