Joris, par la grâce de Dieu, te voici prêtre, ordonné, le 10 décembre dernier,
ordonné, c’est-à-dire mis en ordre par l’Eglise et pour l’Eglise.
Joris, te voici prêtre pour être « signe du Christ pour l’Eglise »,
- signe pour ceux qui en sont déjà membres,
- signe pour ceux qui cherchent Dieu
- et même signe pour tout homme.
Joris, te voici prêtre, te voici devenu étoile, cet astre que les Mages ont vu à l’Orient, cette lumière qui les a mis en route vers Jérusalem.
Frères et sœurs, ne soyez pas surpris de m’entendre dire que Joris est une étoile.
Ce n’est pas ici un compliment pour ses nombreuses qualités ! Et vous savez qu’il a été bien doté ! Je veux simplement dire ce matin que le prêtre est une étoile vivante.
Dans la Bible en effet, le prophète Baruch nous parle d’étoiles vivantes qui nous précèdent dans l’adoration :
Les étoiles brillent, joyeuses, à leur poste de veille ;
Dieu les appelle, et elles répondent : « Nous voici ! »
Elles brillent avec joie pour celui qui les a faites… comme si elles disaient :
C’est lui qui est notre Dieu : aucun autre ne lui est comparable.
(Nous entendons ce passage de Baruch 3, 34 – 36 lors de la Vigile pascale.)
Dans le ciel, les Mages ont vu un astre, - nous parlons d’étoile.
Ils y ont lu le signe d’un grand roi. Ils se sont alors levés et mis en route.
Arrivés à Jérusalem, ils disent le motif de leur voyage :
nous sommes venus nous prosterner devant celui qui est né roi des juifs.
Dans leur culture perse, il était normal de venir rendre hommage et de présenter ses respects au roi par une inclination du buste accompagné d’un baiser porté par la main depuis la bouche vers la personne du roi.
Le geste avait d’ailleurs plusieurs degrés possibles : on pouvait aller jusqu’à tomber sur ses genoux et toucher le sol avec le front en expression de profonde révérence.
Les Mages sont donc conduits par l’étoile : elle leur révèle ce que leur âme désire, cette attente secrète et cachée qui habite le cœur de tout homme, ce désir qui est la clé de notre existence : connaître Dieu, … qui Il est, … pour être en relation avec Lui. Et parce que ce besoin si nécessaire est oublié, il nous est rappelé par le commandement transmis par Moise :
Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu le serviras lui seul... Deut 10, 20 et Luc 4, 8 (et aussi : Tu n’adoreras pas d’autres dieux que moi. Exode 20, 3)
L’adoration est donc cette prosternation du corps qui correspond à l’inclination intérieure de l’âme. L’adoration est ce fléchissement du cœur qui, face à mon Dieu, reconnaît qu’il est avant moi, que je dépends de Lui, qu’entre ses mains je trouve ma destinée. Oui, l’adoration est - foncièrement - une attitude d’âme.
Dans l’adoration, je comprends que je viens de Lui, mon Créateur, que je vais à Lui, mon Père du Ciel, que toute ma vie a un sens en Lui...
Par l’adoration, ma vie s’ordonne, se met en ordre, elle est vectorisée.
Dans l’adoration, s’amorce l’offrande de ma vie : cette offrande est ma réponse d’amour à sa présence d’amour. Il est mon Seigneur et mon Dieu.
A la fin de leur périple, dans une maison de Bethleem, les Mages trouvent donc l’Enfant et sa mère et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui.
Ils ne se contentent pas du fléchissement du cœur et du corps.
Il ne leur suffit pas d’envoyer de la main un baiser à celui qu’ils honorent.
Ils vont plus loin : avec l’or, l’encens et la myrrhe, ils s’offrent eux-mêmes.
Imitons aujourd’hui les Mages par l’inclination intérieure de nos âmes et par la prosternation de nos corps. Imitons-les en offrant nos vies à Dieu qui s’est fait petit enfant :
Je vous exhorte, frères et sœurs, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. Rom 12, 1
Joris, la mission du prêtre, ta mission, est de conduire les hommes à l’adoration du Dieu véritable et à les aider à Lui offrir leurs vies.
Comme l’étoile, cette mission se réalise en deux temps :
le premier temps est de conduire nos contemporains jusqu’à Jérusalem, c’est-à-dire jusqu’à la Parole de Dieu, pour qu’ils connaissent le seul vrai Dieu et Celui qu’Il a envoyé, Jésus Christ. (Jn 17, 3)
C’est en effet à Jérusalem, de la bouche des scribes, que les Mages apprennent que c’est à Bethléem qu’ils trouveront Jésus, le Messie annoncé. A ce moment d’ailleurs, l’étoile s’est effacée ; elle laisse toute la place à l’annonce de la Parole de Dieu.
De même, le prêtre s’efface derrière l’Evangile qu’il annonce.
Il laisse la Parole de Dieu répondre précisément à la question :
« où est Dieu ? Où est Jésus, celui qui est né roi des Juifs ? »
Annoncée et entendue, la vérité de Dieu est ainsi semée dans les cœurs, germe, grandit et porte du fruit. Ainsi, Joris : ce que nous - prêtres - proclamons, ce n’est pas nous-mêmes ;
c’est ceci : Jésus Christ est le Seigneur ;
et, vous frères et sœurs, nous sommes vos serviteurs, à cause de Jésus. 2 Cor 4, 5
- Le deuxième temps de la mission - quand la Parole de Dieu aura été entendue et accueillie – le deuxième moment est de précéder à Bethléem ceux qui savent désormais où se trouve Jésus.
Ils ont en effet besoin d’y être conduits et accompagnés comme des frères.
Ainsi, les Mages retrouvent l’étoile avec une très grande joie !
Les précéder, c’est marcher devant eux, par l’exemple de la foi, pour les conduire à la personne et à l’adoration de Jésus. Les accompagner, c’est aussi Lui offrir ta vie et leur vie, à travers l’offrande de sa vie d’Agneau de Dieu.
Telle est la noble mission du prêtre, confectionner et offrir le sacrifice eucharistique après avoir rassemblé et formé le troupeau… (cf. Lumen Gentium n°10)
Joris, ne sois pas une étoile filante mais bien un homme de prière et d’adoration, un homme donné à Dieu pour être ‘bien donné’ au service des hommes, un homme qui entraîne ses frères dans la foi, une vraie étoile vivante.
Mets donc en œuvre le psaume que nous chantons chaque matin, à l’office des Laudes :
Venez, crions de joie pour le Seigneur,Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits.Oui, il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu’il conduit,le troupeau guidé par sa main. Psaume 94, 1, 6-7