Dans mon enfance, ma mère m’a plusieurs fois dit cette parole :
L’épicerie catholique n’est pas seulement celle où se voit une croix mais celle où la balance est juste !
Elle voulait m’indiquer qu’il ne suffit pas de se montrer chrétien, il faut l’être dans toutes nos actions. Dans mon enfance, ... je parle d’une époque où la balance était constituée de deux plateaux et d’une aiguille. D’un côté la marchandise, de l’autre des poids qui permettaient de trouver un équilibre et de connaître le juste prix à payer pour cette quantité de marchandise.
Dans l’histoire, les hommes ont toujours été tenté de fausser les balances ou d’avoir deux poids / deux mesures.
Proverbes 11, 1 : Le Seigneur a horreur des balances truquées, le poids exact lui plaît.
Deutéronome 25, 13 – 16 : Dans ta sacoche, tu n’auras pas deux poids différents, un grand et un petit. (...) Tu auras un poids exact et juste (...) afin d’avoir de longs jours sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu. Car tout homme qui agit de manière malhonnête est une abomination pour le Seigneur ton Dieu.
Il n’y a pas de justice sans justesse et le temps du Carême est ce moment favorable pour étalonner notre vie comme on le fait pour une balance ou tout autre instrument de mesure ou même encore une horloge. Etalonner, c’est vérifier une mesure par comparaison avec une référence qu’on appelle étalon.
Dans nos vies, nous avons donc besoin d’exactitude et Dieu attend de nous, pendant ce Carême, un peu de métrologie ! La métrologie est la science de la mesure exacte. Et la mesure exacte permet la justice qui donne confiance. Mais il n’y a pas de justice sans justesse… et donc sans ajustement.
Dans la personne de Jésus, notre Sauveur, nous avons l’exemple parfait d’un homme qui plaît à Dieu. Les yeux fixés sur Jésus-Christ, entrons donc dans ce travail de vérification et voyons si notre vie est ajustée à celle de Jésus. Vérifions si notre vie est bien à la mesure de Dieu…
Nous ne serons pas surpris de réaliser qu’il y a de nombreux domaines où nous aimons bien la géométrie variable du deux poids / deux mesures… Nous nous autorisons alors des accommodements aux commandements.
Mais pourquoi notre conscience serait-elle faussée ?
La faiblesse affecte notre liberté. Créatures, nous sommes limités.
De plus, à cause du péché, nous constatons que notre liberté est mystérieusement portée à trahir son ouverture au Vrai et au Bien.
Combien de fois ai-je préféré choisir des biens finis, limités et éphémères plutôt que d’agir selon le droit et la justice ? Combien de fois ai-je voulu être moi-même la norme de ma vie ? Combien de fois la fausse promesse du diable ne m’a-t-elle pas séduit ? « Vous serez comme Dieu » (Gn 3, 5).
Peut-être n’ai-je pas été jusqu’à une révolte radicale qui m’aurait porté à refuser la Vérité et le Bien ? Mais il m’est certainement arrivé de minimiser la gravité de mes péchés en relativisant le poids et la portée des paroles de l’évangile.
Le saint pape Jean-Paul II nous a enseigné qu’il est inacceptable de faire de notre faiblesse le critère de la vérité sur le bien tout autant que de prétendre se sentir justifié par soi-même, sans même avoir besoin de recourir à Dieu et à sa miséricorde. (Veritatis splendor n°104)
Faire de notre faiblesse le critère de vérité sème le doute sur l’objectivité des commandements de de Dieu et conduit à refuser leur caractère absolu. Cette compromission avec le mal en arrive à confondre tous les jugements de valeur. Ainsi, peu à peu, s’est corrompue la moralité de notre société et cet affaiblissement touche aussi les catholiques que nous sommes.
Certes, nous nous défendons de bénir le mal, mais seulement jusqu’à un certain point, c’est-à-dire jusqu’au moment où sa compromission avec le mal l’emporte dans notre vie à cause de nos passions. Lorsque le point de compromission est atteint, l’homme contemporain préfère « fausser la mesure du bien et du mal pour l’adapter aux circonstances ». (Veritatis splendor n°104)
Oui, nous savons trafiquer le thermomètre moral pour nous accommoder d’un désordre. Dans la parabole du pharisien et du publicain (cf. Lc 18, 9-14) : le pharisien imbu de sa personne, bénit Dieu mais n’a rien à lui demander d’autre que de le maintenir tel qu’il est puisqu’il s’est autoattribué un certificat de bonne conduite ; le publicain confesse son péché et supplie Dieu de lui pardonner ses péchés pour être justifié.
Le premier a trafiqué le thermomètre pour gommer son péché.
Le second est guéri en se fiant au thermomètre qui lui montre son péché.
Le pharisien nous présente une conscience « satisfaite d’elle-même », dans l’illusion de pouvoir observer la loi sans l’aide de la grâce et de la miséricorde.
Le publicain nous présente une conscience « pénitente » : il se rend pleinement compte de la fragilité de sa nature et voit dans ses manquements, quelles qu’en soient les justifications subjectives, une confirmation du fait qu’il a besoin de rédemption. (Veritatis splendor n°104)
Deux poids – deux mesures.
Comment vérifier notre thermomètre intérieur ?
Comment purifier notre conscience assoupie ou embrumée au point d’en arriver peut-être
- à déclarer bien ce qui est mal, et mal ce qui est bien,
- à faire des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres,
- à rendre amer ce qui est doux et doux ce qui est amer ! Isaïe (5,20)
Alors comment corriger notre thermomètre et retrouver les mesures justes ?
La référence, c’est Jésus. Fixons les yeux sur Lui ! dans la personne de notre Sauveur, nous avons l’exemple parfait d’un homme qui plaît à Dieu par sa justice et sa charité, par son adoration et sa prière, par la maîtrise de soi et de ses passions.
Les yeux fixés sur Jésus-Christ, entrons donc dans ce travail de vérification. Il s’agit de nous appliquer à l’aumône, la prière et le jeûne… ce qui va très vite révéler les points qui sont faussés…
- dans ma relation à l’autre à cause de l’égoïsme que je vais corriger par l’aumône. Si la première forme de charité est le respect de la justice, la deuxième forme est la communication gratuite de la surabondance. Sachons donner de son superflus… mais aussi de notre nécessaire.
- dans ma relation à Dieu si souvent oublié. Pour contrer cette dérive, le Carême est un temps pour la prière, nourrie par la Parole de Dieu.
- dans la relation à moi-même si souvent enclin à satisfaire mes passions et parfois, de manière démesurée. Le jeûne va m’aider à me corriger pour trouver la juste mesure : autant que nécessaire... pas plus que nécessaire... Il ne s’agit pas de se priver pour se priver… mais de vérifier la mesure.
Il n’y a pas de justice sans justesse et le temps du Carême est ce moment favorable pour le vérifier.
Frères et sœurs, convertissez-vous et croyez à l’évangile.
Père Michel BERGER