Evangéliser la peur

21 mars 2025

A la première page de la Bible, après le péché, Dieu questionne Adam : « Où es-tu ? » Adam répond : « J’ai entendu ton pas dans le jardin, j’ai eu peur parce que je suis nu. » (Gn 3, 9-10)

Chacun de nous peut faire sienne cette réponse, car la peur nous « ex-pose » et nous dénude.

Il ne s’agit pas de poser un diagnostic sur des faits de société mais plutôt de « sauver » la peur au lieu de nous sauver devant elle. La peur induit l’idée qu’il faut s’arrêter, renoncer, fuir. Elle nous fait alors complice de la mort, elle nous barre la route au lieu de l’ouvrir… et de l’ouvrir à Dieu.

Il suffit pour cela de parcourir les évangiles.

Parce que Jésus a tout pris de l’homme, à l’exception du péché, il a pris de l’homme ses peurs, ses angoisses. A Gethsémani, Jésus connait la peur devant la mort : « Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi » (Mt 26,39).

Dans cette coupe se rassemblent toutes nos peurs. Mais le texte de l’évangile ne parle pas seulement de frayeur, il parle d’angoisse. Jésus a connu ce tremblement de tout l’être devant la profondeur du mal, le drame de la liberté humaine dont Lui seul pouvait assumer le salut. Il a connu la solitude immense de ce consentement à aller jusqu’au bout de l’amour, jusqu’à ce point où nul ne s’était aventuré avant Lui, où nul ne l’accompagnerait.

A Gethsémani, Jésus a connu sa plus grande souffrance : dans la profondeur de sa conscience filiale affrontée à la profondeur du péché, il a éprouvé le divorce infini entre l’homme pécheur et la Sainteté de Dieu.

Au jardin de l’agonie, Jésus, au plus intime de sa volonté, était à la fois solidaire de l’homme pécheur et habité par la plénitude de la sainteté de Dieu. C’est en Fils du Père, dans une libre obéissance, qu’Il s’avance vers la mort ; c’est à l’intérieur d’un acte de parfait amour qu’Il assume la crainte, et il ne l’assume que pour la bannir : « Le parfait amour bannit la crainte » (1 Jn 4,18).

C’est pourquoi, au matin de Pâques, le premier don du Ressuscité, qui signe sa victoire sur la mort, est la parole qui libère de la peur : « Ne craignez pas » 

Etre chrétien n’est pas traverser l’histoire et ses dangers, la vie et ses épreuves, béatement ! C’est simplement savoir que ni la peur, ni la mort n’auront le dernier mot parce que le dernier mot est à l’amour.

« Nul n’entre que nu dans les conseils de l’amour. » (Paul Claudel)

Père Emmanuel Deluëgue