A l’épreuve de la perte

2 novembre 2024

La perte la plus douloureuse, la plus inadmissible, c’est celle qu’inflige la mort : mort de l’autre aimé, mort comme renoncement à tout ce qui faisait la joie de vivre.

Dans les récits de la Genèse, la mort est ressentie comme la plus grande perte, conséquence de vouloir « être comme des dieux », de l’espoir absurde de tout maîtriser. « De mort, tu mourras » (Gen 2,17) est alors lu comme le châtiment de ceux qui refusent le statut de créature fragile et limitée. La mort révolte l’être humain qui ne sait pas y consentir.

 Ce qui nous conduit auprès du tombeau de l’aimé où Marie de Magdala vient pleurer (Jn 20,1-18).

Le deuil se cherche des chemins d’apaisement, il biaise avec la douleur pour la calmer.

Le lendemain du sabbat, Marie vient au tombeau où Joseph d’Arimathie et Nicodème ont déposé le corps de Jésus.

Éperdue, Marie reste auprès du tombeau pour habiter peut-être plus longtemps le pays des larmes ou pour forcer le vide à lui rendre ce qu’elle cherche. « Ils ont enlevé mon Seigneur », ces mots disent la violence du désir désespéré de Marie. On sait qu’alors Marie se retourne en arrière et voit Jésus sans le reconnaître. Et à celui qu’elle prend pour le jardinier, elle repose encore la même question : « je ne sais pas où ils l’ont déposé ».

Mais lorsque Jésus appelle Marie par son nom, elle se retourne une nouvelle fois et le reconnaît à ce mot qui vient la réveiller au plus intime d’elle-même. Et Marie, en reconnaissant son Seigneur, est déjà sur le chemin du départ. Jésus lui demande : « Ne me retiens pas ». Elle doit le laisser partir.

Au moment même où elle entend son nom et reconnaît son « rabbi » Marie a déjà compris qu’elle doit consentir à une absence. Elle doit désormais le trouver autrement, le trouver en l’annonçant aux disciples, le trouver en l’annonçant vivant dans la Parole qui s’échange, dans le lien qui rassemble et ne cesse de s’élargir. « Il n’est pas ici mais allez, dites à ses disciples et à Pierre qu’il vous précède en Galilée, là vous le verrez ». (Mc 16,-7)

Allez l’annoncer : à l’annoncer vous le trouverez !

Pour vivre désormais l’amour auquel Jésus invite, il faut consentir à le perdre (mort) pour le retrouver (résurrection).

« Il est vrai : nous aimons la vie, non parce que nous sommes habitués à la vie, mais parce que nous sommes habitués à aimer ».

Père Emmanuel Deluëgue